L’avenir de la mode, selon Purificación García

Nous vivons à l’ère du changement. Que nous réserve la mode pour la fin de l’année 2020 et comment voyez-vous l’avenir ?

Je pense qu’aujourd’hui, la conversation tourne autour des basiques et, surtout, des vêtements de qualité. En ce qui concerne l’avenir de l’industrie, je vois des alternatives digitales aux défilés. Comme l’ont fait certains designers japonais lors de la Fashion Week de Paris : ils ont présenté leurs collections à travers des plateformes digitales, à l’aide de lunettes à réalité augmentée et de fiches techniques pour chacune des pièces.

Cela a-t-il du sens de continuer à parler de saisons ?

Seulement si elles sont véritablement adaptées à la saison et à la météo. Ce qui n’a pas de sens, c’est de lancer un tee-shirt en décembre à la place d’un manteau. C’est compliqué, car il n’existe pas de calendrier unique. Quand c’est l’été en Espagne, c’est l’hiver dans d’autres parties du monde.

Sur le site internet de la marque, la première chose que l’on voit est une fleur et un bouton. Presque une métaphore illustrant la valeur de la nature dans la mode.

La fleur, comme le cube, est emblématique de notre marque. C’est là que tout commence. La nature est, et a toujours été, une puissante source d’inspiration, et en particulier dans la haute couture. Giambattista Valli s’est inspiré des lys, nous des lys calla, Martin Margiela du thème floral de Van Gogh…

La mode est-elle plus durable aujourd’hui ?

En partie. La durabilité est notre responsabilité à tous, pas uniquement dans le monde de la mode. Il s’agit également de durabilité sociale, qui va de pair avec des prix justes.

Comment naît un best-seller ?

Il n’y a pas de recette, mais une bonne dose de magie. Nous avons vécu cette magie en 2013, avec le modèle Origami. L’idée a jailli d’un souvenir d’enfance : quand j’étais petite, je jouais avec les papiers. En prenant la culture japonaise comme point de départ, nous avons conçu un modèle qui s’est métamorphosé en best-seller. Une pièce iconique, qui conjugue fonctionnalité, minimalisme et créativité. Elle a connu le succès parce que sa conception était différente, pas parce que Julia Roberts allait le porter. Et de fait, concevoir un sac est très complexe : il faut travailler le cuir, lisser le nappa, marquer le patron, composer la structure et réaliser des rainures à la main. Un concept qui a réussi et que nous vendons toujours aujourd’hui.

Un sac évoque des émotions, des souvenirs, des obsessions, des secrets… En avez-vous gardé certains qui avaient une signification particulière ?

J’en ai eu un différent à chaque époque de ma vie. Je me souviens du premier. Il s’appelait Hommage au matelassé. Il était matelassé, en lin et nylon, couleur camel.

À quoi ressemble le sac dont nous rêvons cet été ?

Nous proposons chaque été le modèle Veracruz, que nous revisitons avec de nouveaux imprimés, coutures, empiècements, matériaux… C’est un modèle en toile traditionnel. Un grand sac, qui peut tout contenir.

Aujourd’hui, où naissent les tendances ?

Elles continuent à naître dans la rue, dans le tumulte : Bangkog, la Chine, le Japon… L’être humain est un créateur par essence. Il associe, mélange, invente… Puis la tendance apparaît un mois plus tard sur les podiums. C’est cela qui est incroyable.

Que recherchent les nouvelles générations ?

Elles sont curieuses. Elles veulent aller de l’avant. Elle recherchent les petites boutiques, les détails artisanaux, les modèles locaux, les pièces différentes… Nous revenons un peu aux années 80.

Après des mois de confinement. Que signifie la possibilité de se promener à l’air libre, dans des espaces tels que La Roca Village et Las Rozas Village ?

C’est merveilleux, une bouffée d’air frais, de liberté… Le concept même des Villages est unique, et invite à profiter, observer, entrer dans une boutique puis une autre, s’assoir pour se restaurer…

Parlez-nous de votre carrière. Quels en ont été les jalons ?

Il y en a eu beaucoup. Je me souviens de la première fois que je suis partie à l’étranger, de la première boutique que j’ai eue en Belgique, le corner Harrods, les boutiques aux États-Unis… J’ai été l’une des premières à dépasser les frontières. Vous êtes née en Galice, mais vous avez passé votre enfance en Uruguay.

Cela a-t-il joué sur votre vision de la mode ?

Bien sûr, le Nicaragua ou le Guatemala, ce n’est pas pareil que, disons, l’Uruguay ou l’Argentine, qui étaient plus audacieux. Je pense que cela m’a donné une éducation tout en couleur et en féminité. La femme latine est beaucoup plus féminine, agressive, sexy… Cela dépend un peu du pays, l’Uruguay était un pays plus austère que l’Argentine.

En 2017, vous avez reçu le Prix National de la Mode pour votre carrière, décerné par le Ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

La reconnaissance de mes nombreuses années de travail et une grande valeur pour mes équipes.

Quelle est le plus grand changement qu’ait vécu l’industrie de la mode depuis la création de votre marque ?

Les plateformes digitales, les réseaux sociaux… Pour moi, l’ère digitale emporte tout.

Que recherchent les femmes aujourd’hui ?

Le confort et, surtout, des basiques de qualité. C’est le cas pour moi et pour mes filles, qui ont 30 ans. Elles ne demandent pas grand-chose. Mais la qualité, comme je le disais au début, est très importante.